Cette pratique s’adresse à toute personne ayant perdu une autonomie (relative ou importante) dans certains mouvements à cause d’une pathologie ou d’un accident de la vie. Ce peut-être aussi une maladie (Parkinson, sclérose en plaques, maladies auto-immunes, accident vasculaire cérébral) ou bien encore le grand âge sans oublier les personnes présentant des troubles psychiques.

Il y a actuellement dans la pratique du yoga une recrudescence de pratiques sur chaise par exemple au bureau (séances de 5 à 10 minutes) ou de l’utilité de la chaise pour adapter des postures plus classiques et complexes. Tout ceci est individuel, mais la pratique proposée est une pratique collective qui s’adresse à des personnes en situation de handicap.

Cette séance est basée sur la reconnaissance de la personne et les postures ou enchaînements sont proposés, jamais imposés. Il n’y a pas un yoga pour tous, mais un yoga pour chacun.

Avant d’aborder le toucher et les mudras, précisons les autres axes de la pratique :

  • Les Mouvements et postures : pour lutter contre l’ankylose articulaire souvent très présente
  • La respiration et le travail sur les énergies : Développer la conscience du souffle pour accompagner le mouvement. Suivant le principe   «  là où va la conscience, va l’énergie », il est possible de la faire circuler dans les différentes parties du corps même si certains membres ne peuvent bouger à cause d’AVC par exemple. Dans tous les exercices posturaux, notamment ceux des bras, la respiration est au cœur de la pratique. Considérant que les bras sont les ailes de nos poumons, en les ouvrants, nous favorisons une meilleure inspiration. Lorsque nous abordons le travail abdominal, nous permettons à l’abdomen de s’assouplir : en effet, les abdomens durs et contractés bloquent la respiration, limitant la mobilité du diaphragme.  Le diaphragme est avec le cœur, un des muscles les plus puissants et les plus actifs du corps. Sa mobilité est liée à notre façon de respirer.
  • Le travail sur la voix : Les sons, les voyelles chantées, les exercices tonifiant poumons et cœur, sans oublier le rire, constituent un volet important de la séance. Les sons en général et les mantras chantés aident à guérir et calmer les émotions et à ouvrir le cœur. Ils stimulent, activent, motivent et font rajeunir. Ils nous aident à danser ou dormir, à rire ou pleurer, à méditer.  La pensée et la voix sont portées par le souffle. Si je peux parler, c’est grâce au souffle qui porte ma voix. L’air qui m’environne est mon élément de vie ; grâce à ma respiration et ma voix, je peux me mettre en relation avec autrui et je suis en communication constante avec l’univers : je suis dans l’univers, l’univers est en moi.
  • Le dernier axe est le toucher et les mudras : Les exercices des bras et des mains vont s’avérer importants pour favoriser les mouvements et améliorer la respiration, le tout en conscience. Avoir les doigts qui se referment, outre que cela puisse révéler un problème cardiaque ou d’ostéoporose, diminue l’inspiration et affecte les capacités respiratoires, celles-ci étant souvent liées aux épaules qui se ferment en s’avançant. La main reste un outil pour la préhension et favorise les gestes du quotidien : se laver, s’habiller, manger… Il s’agit de renforcer l’autonomie par des exercices libérant les doigts, les poignets et les bras.
    L’importance du toucher : Toucher, c’est une mise en relation avec soi-même et avec l’Autre. Toucher l’autre, c’est toucher son être. Toucher, c’est connaître, c’est aussi émettre et recevoir. Il y a une interaction entre celui qui touche et celui qui est touché, la communication se faisant dans les deux sens. « La peau est ce qu’il y a de plus profond dans l’homme » nous rappelle Paul Valéry.  Ce toucher manque souvent et cela peut-être dramatique. Du toucher vient  la reconnaissance et la compassion. Ce toucher implique présence et écoute. Nous sommes des êtres de relation.    Cette empathie est au service de la relation entre deux êtres. Et l’exemple suivant va l’illustrer : André avait 97 ans et était en fin de vie comme me l’avait précisé le médecin gériatre. Il appréciait les cours de yoga sur chaise depuis trois ans. A un moment donné, il ne pouvait plus venir ; alors je me suis rendu dans sa chambre ; il avait du mal à respirer, je suis resté près de lui en prenant son poignet, et dix minutes plus tard, il s’est tourné vers moi en esquissant un sourire, puis il émit nettement le son « Om ». Trois heures après, il quittait le plan de la manifestation. Cet au revoir avec le Om m’a beaucoup ému, car en fait André partait de la vie en pleine conscience franchissant ainsi l’autre « rive ».
    Dans le toucher, intervient aussi le plaisir et la douceur de s’auto-masser le visage, ses membres, son abdomen… ou de se faire masser quand c’est possible. Avec nos mains, nous pouvons faire du bien.
    La main est le principal organe du toucher. Dans un premier temps, la main recueille des infos et le cerveau les interprète, en les comparant aux infos acquises (doux, dur, rugueux, chaud, froid…). Dans le contact, le toucher permet de percevoir l’état d’autrui (tensions, crispations, mollesse, chaleur, émotions…) et en retour prendre conscience de notre propre état. Les mains sont le lieu où se transmet e sort l’énergie. Elles offrent un langage : l’Une est l’Autre, Uniques et différentes, elles se répondent, s’organisent, se complètent, s’entraident.
    Comment ne pas s’émerveiller devant elles, ces mains qui façonnent, sculptent, étreignent, caressent, se tendent. En se redressant, l’homme a libéré ses mains de leur fonction d’appui, leur offrant un nouveau champ d’action et de découverte, car devenant organe de préhension, elles se faisaient l’instrument d’une nouvelle compréhension du monde. Se développait ainsi l’importance du complexe Main-Cerveau, la main devenant le véhicule de la pensée.

Quelques éléments de pratique :

Le Mudra de Ganesh : Pour les bronches et le cœur. Tenir la main gauche devant la poitrine, paume tournée vers l’extérieur, recourber les doigts. La main droite vient s’accrocher dans la gauche, dos vers l’extérieur. Placer les mains au niveau du cœur, tout près de la poitrine. Pendant l’expiration, tirer fortement les mains comme pour les écarter l’une de l’autre mais sans lâcher prise ; les muscles des bras et de la région thoracique se tendent. Pendant l’inspiration, toutes les tensions se relâchent. Répéter six fois et poser les mains sur le sternum pour sentir l’effet produit. Intervertir les positions des mains. Six fois aussi. La concentration doit rester au cœur du mouvement pour observer toutes les sensations et plus le mouvement est lent (relié au souffle), plus nous sommes dans la présence à ce qui est.

Avant de détailler l’interaction mains,  conscience et énergie, je souhaiterai vous montrer les effets que les mains et les doigts exercent sur d’autres parties du corps :

  • Il existe un lien direct entre les mains et la nuque, les conduits des nerfs situés au niveau de la nuque traversent les orifices des vertèbres, pour rejoindre les bras, les mains et les doigts. La mobilité des mains a toujours une répercussion dans la mobilité de la nuque et des exercices de la main peuvent détendre une nuque raidie.
  • Le fait d’écarter les dix doigts de la main provoque aussi un réflexe qui conduit à un écartement des vertèbres dorsales, et accroit par-là, la capacité respiratoire des poumons : pratique : Sur l’inspiration, écarter bien les doigts et tenir les mains devant la poitrine. Retenir le souffle et tirer les bras horizontalement sur les côtés, puis expirer en serrant fortement les poings. Respirer normalement, desserrer les poings et abaisser les bras (au moins 3 fois). Cet exercice élargit les bronches, ouvre la poitrine, fortifie le cœur et rafraîchit l’esprit. Les asthmatiques toussent souvent avec cette pratique parce qu’elle nettoie les bronches de leurs glaires, et les cardiaques sentent les battements du cœur s’accélérer.
  • Les mains et les doigts sont aussi en lien direct avec le cœur et les poumons. Beaucoup de personnes ne peuvent plus avec l’âge tendre correctement leurs doigts. Cela peut être un signe de tension au niveau du cœur et peut annoncer une maladie cardiaque ou de l’ostéoporose. La position où les doigts sont un peu crochus, entrave l’inspiration favorisant l’encrassement des poumons.

Pour préciser l’importance du souffle et de l’énergie, je voudrai citer Ilse Middendorf, une grande spécialiste des thérapies respiratoires qui a prouvé que chaque doigt peut être mis directement en relation avec une zone pulmonaire.   J’ai fait tester cet exercice en maison de retraite et cela fonctionne :

Devant la poitrine, pouces et index se touchent et vous sentez votre souffle dans le haut des poumons ; ensuite, les deux majeurs se touchent et vous percevez votre souffle dans la partie médiane des poumons et enfin les deux annulaires et auriculaires se touchent vous percevez votre souffle dans la partie inférieure des poumons. Essayez.

Les Mudras qui sont pratiqués en pleine conscience, en percevant bien les doigts et leurs points de contact, activent de grandes zones dans le cerveau.

Le mudra Ushas (pointe du jour, origine de toutes choses) : J’utilise en maison de retraite ce mudra pour favoriser la concentration sur le souffle – parce qu’il est apaisant. En position assise, les mains sont dans le giron, doigts entrelacés. En position sur le dos, il est plus dynamique  lorsque les mains doigts entre lacés se posent sur la nuque ; en inspirant, poussez, la nuque s’étire doucement et le menton se rapproche du sternum. Nos cervicales nous remercient ; Vous pouvez l’utiliser pour vous réveiller : inspirez profondément avec force, ouvrez grand les yeux et la bouche, puis enfoncez les coudes vers l’arrière, dans l’oreiller. Pendant l’expiration, relâchez toute tension.

Conclusion :

Ce qui est concluant quand nous vivons cette séance en groupe avec des personnes en grande difficulté, c’est que ce partage vécu favorise leur reconnaissance. Lorsque vous commencez cette pratique, ce n’est  pas forcément évident, mais une fois que les personnes ont perçu votre démarche et ont senti vos motivations basées sur l’authenticité et le respect, alors, ce partage, c’est du bonheur.   Il est nécessaire aussi d’avoir ce recul émotionnel qui nous ramène dans la présence à l’autre en toute simplicité. La patience et la persévérance sont des qualités importantes à développer. Le droit à la différence ne doit pas être uniquement dans les intentions, mais sur la mise en pratique dès maintenant. Malgré les obstacles, discerner, agir et persévérer. La répétition consciente est un bon outil.

Aller au-delà des peurs, de nos propres peurs pour aller  vers un peu plus d’humanité. Si nous considérons ce qui se passe dans notre vie, nous pouvons dire que les choses les plus importantes ne sont pas extraordinaires ou grandioses. Ce sont les moments où nous nous sentons touchés l’un par l’autre, où nous nous comportons d’une manière particulièrement attentionnée ou chaleureuse. Cette intimité simple et profonde est l’Amour que nous désirons tous si ardemment, osons le nommer.

« Le seul, le vrai, l’unique voyage, c’est de changer de Regard » (Marcel Proust)